La prière contre le stress
Quand le temps va trop vite.
Tout va vite, très vite, trop vite. Tant et si bien qu’on ne peut tenir la cadence : « Je cours tout le temps ».
Sensation d’oppression, d’enfermement, de contrainte : « J’étouffe », « je sature ». Sensation de perte de soi, du contrôle de soi. Sentiment puissant d’aliénation : « Je n’ai plus de vie », « je n’y arrive pas » Que faire ? Arrêter le temps ?
Et pourquoi pas ! Ou plutôt : mieux l’habiter et pour cela mieux en prendre conscience. Les grandes traditions spirituelles, pour variées qu’elles soient et si différentes entre elles, reconnaissent à la prière cette fonction.
Qui plus est, elles parlent plutôt d’expérience qu’au titre de l’intuition.
A défaut d’arrêter le temps…
« Je cours tout le temps ». Une expression cent, mille fois entendue. Un sentiment très largement partagé mais toujours vécu au singulier par celui ou celle qui ne parvient pas tout à fait à faire face. Sentiment teinté d’impuissance car enfin, il faut bien faire face aux obligations, aux impératifs de la vie, du travail. Pas facile modifier la cadence ! C’est vrai, il faut se rendre à l’évidence. Pas facile mais pas non plus impossible. A tout les moments, il est possible de s’arrêter. Disons de faire des pauses. De ne pas laisser le temps qui file nous emporter dans son invincible courant.
Celui ou celle qui se met à prier commence par ce premier pas. Simple. A la portée de tout le monde. Décisif pourtant et pas du tout anodin : s’arrêter. Se poser. Faire une pause. Plutôt que de se laisser prendre par le temps, prendre soi-même le temps.
En fait, habiter le temps, opter pour une chronométrie choisie et non subie. De quelque manière – et toujours modestement – réapprivoiser son temps, réinvestir ses propres rythmes.
Si Confucius pouvait à juste titre enseigner que « le bonheur ne vient pas à ceux qui l’attendent assis ». Il est presque aussi vrai qu’il ne croise que rarement la route de ceux ou celles qui ne prennent jamais « le temps de s’asseoir » !
Insistons donc un peu : rien ne se fait sans le premier pas. S’arrêter ! Se poser. Se poser pour se retrouver. Il n’a l’air de rien ce premier pas et pourtant il n’advient que si on le veut vraiment.
On aura vite fait de découvrir que, plus même qu’une question de besoin, c’est une question de désir. C’est un choix de vérité : est-ce que je préfère me laisser bouffer par le temps ou est-ce que j’ai envie de l’investir à ma manière ?
Le bonheur de la gratuité
Ainsi, celui ou celle qui s’arrête pour prier déclare son désir : il n’a pas envie de se laisser dévorer tout cru par Chronos. Au contraire, il choisit une certaine chronométrie, il découvre la sienne propre. Il entend faire du temps son allié. Peut-être son ami. Mais pourquoi ? Risquons une première réponse : pour rien ! Ce qui est premier, c’est de ne pas se perdre. Bientôt on découvrira qu’il s’agit en réalité de se trouver – ou de se retrouver. Bientôt aussi on découvrira que ces retrouvailles avec soi même profitent aux retrouvailles avec les autres.
Alors qu’ « on n’avait plus le temps de les voir », on se prend à les redécouvrir, à savourer leur présence, leur compagnie, leur simple existence.
En vérité, celui ou celle qui se met à prier rend aux personnes comme aux choses la reconnaissance qui leur est due. Il ou elle prend le temps de les considérer d’abord pour elles-mêmes, en dehors de tout profit à court, moyen ou long terme.
Un mot flotte dans le vocabulaire religieux : la grâce… Mais sait-on assez que le mot ne désigne pas autre chose qu’un certain sens de la gratuité ? Un sens cultivé de la gratuité. Un goût entretenu et développé de la gratuité. ET la prière est d’abord cela école de gratuité.
En fait, elle n’est rien d’autre. Quand on commence à se fatiguer de toujours courir, au bout d’un moment on se demande pourquoi ou pour quoi on court… Il se peut qu’il y ait de bonnes raisons. Mais si la seule récompense est l’épuisement physique ou moral le bénéfice est maigre en tout cas décevant ! Mieux vaut revoir les défis qu’on se donne ou ceux auxquels on consent.
De la prière à la saveur de la vie
C’est une conviction très profonde de ceux et celles qui prient qu’au coeur de la prière il y a un mystère de mise en présence. Et d’abord de mise en présence de soi. Un mouvement de soi à soi et qui pourtant n’est ni solipsisme ni solitude.
Certains entendent faire l’expérience d’un vide libérant et habitable dans lequel la conscience de soi et du tout puisse s’épanouir en s’éprouvant et où l’humanité puisse gagner en densité non moins que s’affiner en bonté D’autres entendent aller à la rencontre d’un soi transcendant avec lequel entrer en dialogue pour mieux communier dans l’être et mieux advenir à soi.
Dans tous les cas le programme est le même : s’humaniser dans la présence à soi, au tout, aux autres, voire au Tout-Autre.
En définitive, tous les priants portent le témoignage que prier est un acte immense et immensément humble. La prière est comme un long regard, patient, posé sur le mystère de l’humain qui est mystère de désir, d’amour en attente et en acte.
L’art de durer…
Commencer – on l’a dit – est important, décisif même. Continuer ne l’est pas moins car l’étau des multiples pressions de la vie ne demande qu’à se resserrer. Mais quiconque a choisi de consacrer ne fût-ce que cinq minutes de son temps quotidien à la prière en a fait la découverte : on n’habite plus le temps de la même manière. Prendre du temps pour la prière c’est bien prendre du temps pour soi.
Le priant apprend à éprouver son existence, il découvre sa propre densité, il libère des espaces intérieurs qui lui garantissent une respiration plus large. Celui ou celle qui prie fait acte d’existence et acte d’humilité : dans le moment même où il ou elle s’affirme, il prend mieux conscience de n’être pas le tout mais bien appelé à une communion singulière avec ce qui n’est pas lui.
C’est ainsi que chemin faisant, le priant trouve peu à peu sa propre fréquence en se rendant présent à ce qui n’est pas lui. Loin de s’aliéner, le priant se retrouve. Souvent même il ou elle se découvre e profondeur et aspire à une réalisation de soi plus authentique, plus solide et plus profonde.
Se poser, respirer, se rendre disponible, se donner le temps, prendre le temps de la rencontre avec l’invisible, avec l’immense. Consentir au vertige aussi, affronter les souffrances – car on en fait jamais l’économie.
Et finalement découvrir que le silence est peut-être l’écrin d’une Parole d’Amour qui appelle chacun à exister pleinement selon son mystère propre et tous ensemble à coexister dans une communion de respect et d’estime… La prière c’est tout cela et infiniment plus… à découvrir.
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