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Art Costa Rica

L’actuel Costa Rica était connu pour sa production d’ornements dans ces deux matériaux. Son appellation même « côte riche » donnée par les Espagnols était bien trouvée. L’or était abondant dans les cours d’eau, et on suppose qu’une riche veine de jade, épuisée bien avant le XVIe siècle, fournissait à la fois les cultures costaricaine et olmèque. Ces deux peuples accordaient la même valeur à ce minéral et il semble que leurs contacts furent nombreux. Leurs techniques pour le travail du jade, une des pierres les plus dures qui soient, étaient semblables et leurs styles respectifs se correspondent, notamment dans le motif sculpté représentant le « dieu-hache » (97). Les haches de pierre polie ou celts (95-96), principaux instruments tranchants de la Mésoamérique ancienne, étaient associés à une symbolique religieuse. Leur forme se prêtait particulièrement bien aux représentations d’êtres surnaturels, qui tiennent à la fois de l’homme et de l’oiseau. Les dieux-haches costaricains, avec leur moitié inférieure doucement arrondie et leur moitié supérieure en forme de poignée, sont à l’évidence dérivés de ce modèle. L’emploi même du jade est symbolique, car ce minéral était associé à la fertilité et spécifiquement aux épis verts du maïs, céréale typiquement mésoaméricaine, dont les celts évoquent aussi l’aspect.

Les cultures olmèque et costaricaine présentent néanmoins d’intéressantes différences dans leur iconographie. Les croyances olmèques attribuaient au jaguar, le plus grand prédateur des Amériques, des pouvoirs surnaturels ; leur sculpture comporte fréquemment des motifs félins associés, sur le mode fantastique, à des éléments humains. La représentation du jaguar est courante dans toute la Mésoamérique, sauf dans les jades costaricains, où la figure surnaturelle et animale la plus fréquente est celle d’un oiseau revêtant divers aspects, mais dans lequel on reconnaît habituellement l’aigle ou le vautour, rapaces d’une taille et d’une puissance remarquables (108). Les créatures ailées ont certainement joué un rôle important dans les croyances costaricaines. Par ailleurs, les dieux-haches et les autres sculptures en jade du Costa Rica n’étaient pas de taille monumentale, mais plutôt de petites dimensions — celles d’une main — de manière à pouvoir être portés comme ornements signifiant un rang élevé dans la société.
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Dans la culture costaricaine, le jade (109-110) resta le matériau le plus précieux avant d’être supplanté par l’or vers 700. Il n’est pas impossible que la chute des grandes villes du Nord (Teotihuacán et celles du pays maya) qui appréciaient elles aussi le jade ait conduit les Costaricains à adopter les styles et les formes d’ornements prestigieux prévalant dans les civilisations du Sud. La métallurgie de l’or commença au Pérou en 2000 av. J.-C. et les techniques d’orfèvrerie, remontant le long de la côte caribéenne vraisemblablement grâce au commerce maritime, atteignirent l’Amérique centrale vers 500 av. J.-C. Les techniques les plus répandues sont celles de la fonte à cire perdue, le faux filigrane, la dorure par élimination chimique des métaux parasites et l’emploi d’un alliage or-cuivre appelé tumbaga. Travaillé selon ces techniques, l’or servait à produire des figurines de valeur symbolique, principalement des êtres humains (94), des oiseaux, des alligators et des grenouilles (111-112-113). On peut considérer le Costa Rica, le Panamá et même la Colombie comme un seul centre de production métallurgique, recourant à des modes de figuration très proches. Il existe des différences régionales, mais elles sont assez peu marquées. De grandes pièces d’or battu — plaques rondes, casques et brassards — étaient portées sur le corps en plus des pendentifs figuratifs. L’archéologie confirme les dires des Espagnols, qui indiquaient que les chefs costaricains semblaient vêtus de métal. Pour les civilisations des Amériques du Sud et centrale, l’or, produit directement par le Soleil, recelait des principes actifs masculins. L’or brut ne signifiait rien, en soi, à leurs yeux. Seule lui conférait de la valeur la qualité du travail dont il était l’objet.

Bien que plus connus pour leur travail de l’or et du jade, les artistes costaricains ont produit une abondante sculpture sur pierre et une poterie haute en couleur. Ils commencèrent à travailler la pierre il y a 2 000 ans : personnages debout, grandes metates (meules) à usage domestique ou rituel (101), têtes de félins et d’humains (100), et toute sorte d’animaux tels que reptiles, oiseaux, félins et chiens. Les potiers produisaient des récipients et des sifflets zoomorphes (102-104-105-106), des hommes dans différentes attitudes (103), et des vases souvent incisés ou peints. Si les styles de la céramique évoluèrent peu dans le temps, la sculpture, en revanche, se transforma ; à la prédominance des formes liées à l’agriculture, comme les metates, succéda celle de la figure humaine représentée dans diverses activités. Ces modifications résultent d’une collectivisation, d’une centralisation et d’une hiérarchisation croissantes des activités rituelles liées au chef.