Art Amérique centrale
Les premiers Européens qui visitèrent l’isthme reliant le Mexique à l’Amérique du Sud au XVIe siècle furent surpris par la profusion d’or qu’ils trouvèrent chez leurs habitants (voir la carte). Non seulement le métal était d’une qualité supérieure à celle que l’on trouvait en Europe, mais sa transformation en ornements attestait un savoir-faire parfaitement maîtrisé. Les nouveaux arrivants s’emparèrent de tout l’or qu’ils pouvaient trouver pour le fondre et créer des objets pour leur propre usage. Les conquérants ne surent pas apprécier le travail des orfèvres d’Amérique centrale sachant faire appel aux techniques métallurgiques les plus sophistiquées. L’or n’était pas le seul attrait de ces régions. Dans les cultures des actuels Costa Rica, Panamá et Colombie, on sculptait le jade ou la pierre et on produisait une admirable céramique polychrome. Souvent éclipsées par leurs voisins du Mexique, au nord, et du Pérou, au sud, ces civilisations ont laissé des œuvres d’une qualité et d’une sophistication semblables à celles des autres régions des Amériques.
La production d’objets prestigieux a une longue histoire, plusieurs fois millénaire, en Amérique centrale. Elle commence vers 1 000 av. J.-C. avec le jade au Costa Rica (109) et avec l’or en Colombie (130). Les céramiques panaméennes (117-127) sont apparues, dès 3 000 av. J.-C., mais l’orfèvrerie n’a été introduite que voici 2 000 ans environ. La création artistique a été favorisée dans toutes ces sociétés par une agriculture perfectionnée à l’origine des trois bases de l’alimentation mésoaméricaine : maïs, courge et haricot. En effet, seule une agriculture semi-nomade bien établie pouvait dégager suffisamment d’exédents, convertis en temps libre et en ressources, pour que soient produites, ou acquises, des œuvres d’art.
Les peuples appartenant à ces cultures ne bâtirent pas de villes en pierres, comme leurs voisins du Nord et du Sud, mais vécurent dans des villages organisés en chefferies jusqu’à l’arrivée des Espagnols au début du XVIe siècle. Les enjeux des affrontements entre chefs étaient la terre, le pouvoir et la richesse, et ils essayaient de se surpasser mutuellement par le déploiement d’objets d’art prestigieux, notamment ceux en jade ou en or.
Les sociétés vivant sur les territoires des actuels Costa Rica, Panamá et Colombie préhispaniques avaient donc en commun de nombreux traits culturels. Toutes partageaient une semblable organisation en chefferies locales et pratiquaient une agriculture sophistiquée produisant assez de ressources et de surplus pour faire vivre à la fois une élite sociale et les artistes chargés à plein temps de son ornement. L’or y était le principal matériau des parures, dont les formes s’inspiraient d’un répertoire iconographique commun. Les ornements de jade étaient présents dans le nord de l’isthme à une époque antérieure, objet d’un commerce qui s’étendait au-delà de leur région de production en raison de leur grande valeur. La sculpture sur pierre y occupait une fonction cérémonielle. L’art était présent dans la vie quotidienne de chacun, quelle que soit sa condition car des poteries peintes ont été retrouvées dans de modestes sépultures. Costaricains, Panaméens et Colombiens sont les descendants de ces artistes artisans. Si leur culture n’a pas résisté à l’arrivée des Espagnols au XVIe siècle, ils pratiquent toujours un art qui leur est propre. L’absence d’urbanisation et d’architecture monumentale pourrait conduire à méconnaître ce territoire, sur lequel, pourtant, ont été produits des chefs-d’œuvre dont la qualité ne dépare pas l’art des Amériques